Rayonnements ionisants et lutte contre le cancer : les apports de la recherche
À la veille de la Journée mondiale contre le cancer, l'IRSN a organisé, en partenariat avec le CEA, l'Inserm et le CNRS (1), une conférence consacrée à la contribution de la recherche sur l'utilisation des rayonnements ionisants à la lutte contre le cancer. Ce rendez-vous organisé sous l'égide de Marie-France Bellin et de Jean-Christophe Niel, respectivement présidente du conseil d'administration et directeur général de l'IRSN, s'est tenu à la Maison Irène et Frédéric Joliot Curie, siège bruxellois de plusieurs grands organismes français de recherche. Articulés autour de trois grands thèmes – la stratégie et la feuille de route françaises, l’état de l'art de la recherche ainsi que les actions européennes et internationales – les présentations et débats entre scientifiques, universitaires et représentants d'organismes nationaux et internationaux ont mis en lumière les enjeux, les avancées et les perspectives de la recherche scientifique au service d’applications médicales telles que l'imagerie, la médecine nucléaire ou la radiothérapie qui mettent en œuvre des rayonnements ionisants à des fins diagnostiques et/ou thérapeutiques.
Prendre la mesure des améliorations obtenues dans le diagnostic et le traitement du cancer
En France, comme dans de nombreux pays européens, l'utilisation des rayonnements ionisants dans le diagnostic et le traitement des cancers ne cesse de croître, avec plus de 55 % des patients traités par radiothérapie. Cette progression ininterrompue soulève de nombreuses questions relatives, par exemple, à la balance bénéfice/risque des technologies innovantes en radiologie (nouveaux produits radiopharmaceutiques, protonthérapie ou flash-thérapie), au développement de traitements combinés pour soigner les tumeurs radiorésistantes, aux effets indésirables des traitements ou encore à la qualité de vie des patients. Ces questions appellent à leur tour de nouvelles recherches visant à développer des stratégies thérapeutiques toujours plus efficaces et plus supportables. À cet égard, les participants à la conférence ont reconnu les progrès réalisés au cours des dernières années, qu’il s’agisse d'amélioration du rapport bénéfice/risque, d'augmentation de l'espérance de vie et d’amélioration de la qualité de vie grâce à la réduction des effets secondaires, pour n'en citer que quelques-uns.
Dessiner l'avenir des traitements
Les présentations et débats ont été l'occasion d'aborder les bénéfices majeurs attendus des projets de recherche sous différents points de vue :
- l’amélioration de l'efficacité thérapeutique des traitements, grâce à des modalités d'irradiation innovantes comme l'hadronthérapie, le fractionnement spatial, la thérapie flash ou le ciblage assisté par des médicaments (à base, par exemple, de nanoparticules) ;
- la poursuite de l'amélioration de la balance bénéfice/risque de l'imagerie et des traitements, avec notamment l'apport de l'intelligence artificielle (IA) et du machine learning à l’obtention d’images de qualité au prix d’une moindre exposition ;
- la prévention des effets indésirables des traitements, la diminution des effets toxiques de la radiothérapie sur les tissus sains et/ou l’apparition d'effets immunosuppresseurs à long terme, grâce à l'administration de doses de rayonnements ionisants guidée par l'IA ;
- le bénéfice tiré de nouvelles approches en médecine nucléaire comme la théranostique (qui combine l’utilisation d'un radionucléide pour diagnostiquer la tumeur – principale et éventuellement métastatique – et d'un second pour la traiter), ou l'utilisation combinée de la radiothérapie et d'autres thérapies (immunothérapie, hormonothérapie…) ;
- l’émergence d’une médecine personnalisée fondée sur des démarches transversales, centrées sur le patient et prenant en compte ses paramètres individuels pour une dosimétrie personnalisée ;
- le développement d’une radio-immunothérapie de haute précision, utilisant des biomarqueurs en imagerie pour un traitement efficace des patients oligométastatiques…
Relever les défis
La plupart des perspectives évoquées ci-dessus font appel à des technologies de rupture qui reposent notamment sur le développement d'approches multidisciplinaires et multi-échelles impliquant l'intégration, au sein d’équipes, de scientifiques travaillant dans différents domaines, pour faire face à la diversité des réponses tissulaires (comme les phénomènes physico-chimiques, moléculaires et physiologiques), tumorales et non-tumorales. D'autres défis liés à l'évolution rapide des techniques de diagnostic et de traitement du cancer concernent par exemple l'assurance qualité en radiothérapie, la production sécurisée de radio-isotopes, le financement de recherches de pointe faisant appel à des équipements toujours plus sophistiqués, l'égalité d'accès à la médecine radiologique, ainsi que la sécurité des soignants et des patients, cette dernière plaidant en faveur de l'implication des associations de patients dans les progrès à venir.
Relever de tels défis est la clé du succès des activités de recherche menées dans le cadre de plans stratégiques aux niveaux national, européen et international, comme la Stratégie décennale de lutte contre les cancers en France, le Plan européen de lutte contre le cancer ou l'initiative Rays of Hope de l'AIEA. C'est le sens de grands projets de recherche menés au titre des programmes-cadres européens pour la recherche et l'innovation (H2020/EURATOM et Horizon Europe). Citons Rocc-N-Roll, approche européenne intégrée et coordonnée de l'innovation et de la recherche dans le domaine des applications médicales utilisant les rayonnements ionisants, et PIANOFORTE, partenariat coordonné par l'IRSN et qui vise à contribuer au renforcement de la protection du public, des travailleurs, des patients contre les expositions environnementales, professionnelles et médicales contre les rayonnements ionisants. Ce partenariat vise également à favoriser la gestion des programmes de recherche au niveau de la communauté scientifique, par le biais d'appels à la recherche ouverts.
(1) Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et Centre national de la recherche scientifique (CNRS).