Baromètre IRSN 2021 sur la perception des risques et de la sécurité par les Français
L’image des experts scientifiques reste positive pour 61 % des Français et la préoccupation montante est celle de la gestion des déchets nucléaires en France. 41 % des Français estiment que les centrales nucléaires sont source de risque élevé et 48 % d’entre eux ont cette même perception face aux déchets nucléaires.
Depuis 1990, le Baromètre permet à l’Institut de suivre la perception que les Français ont des risques en général et du risque nucléaire en particulier. Il étudie également l’évolution du degré de confiance accordé aux pouvoirs publics pour les gérer dans des domaines aussi variés que la santé, l’environnement et le nucléaire. Grâce aux nombreuses séries de données qu’il fournit, le Baromètre offre une mise en perspective qui contribue à l’orientation des actions menées par l’Institut et l’ensemble des acteurs de la maîtrise du risque, permettant d’améliorer leur gestion.
L’édition 2021 est basée sur une enquête menée sur internet du 17 au 25 novembre 2020 auprès d’un échantillon représentatif d’environ 2 000 personnes, sur la base d’un questionnaire globalement stable afin d’assurer la continuité des séries de données.
Pour la cinquième année consécutive, le Baromètre s’ouvre à des personnalités extérieures qui viennent enrichir de leur point de vue l’analyse des résultats : Julien Potéreau (Harris Interactive), Jocelyn Raude (EHESP) et Christine Noiville (HCTISN) se sont prêtés à l’exercice en 2021.
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Les éléments saillants parmi les résultats de l’édition 2021
En 2020, dans le contexte de pandémie qu’a connu le monde, le principal sujet de préoccupation des Français est « la santé », ajoutée cette année dans le Baromètre. Elle y fait son entrée à un haut niveau (26 %) devant le terrorisme (19 %) et le dérèglement climatique (15 %). Cette préoccupation environnementale est presque au même niveau qu’en 2020 (17 %), ce qui témoigne de la forte et constante préoccupation des Français pour le climat. « La grande pauvreté et l’exclusion », qui était la première préoccupation des Français dans l’édition 2020, passe derrière le dérèglement climatique.
Parmi les sujets environnementaux, « le dérèglement climatique » arrive en tête des préoccupations. C’est le cas chaque année depuis 2014, mais dans l’édition 2021 il atteint son plus haut niveau (39 %). Il devance largement « la disparition d’espèces animales » (14 %) et « les dommages dus aux catastrophes naturelles » (13 %).
La confiance des Français dans la science et l’expertise reste forte, même si elle ressort écornée de l’année 2020. En effet, 61 % des Français déclarent faire confiance aux institutions scientifiques, score en baisse de 9 points par rapport au précédent Baromètre mais qui se situe cette année encore à un niveau élevé. Ils sont 50 % à avoir une très bonne ou bonne opinion des experts scientifiques (- 7 points) et 11 % à en avoir une très mauvaise ou mauvaise image. Les Français confirment leur attachement à un recours des décideurs aux experts. Ils sont ainsi très majoritaires (82 %) à juger que l’existence du conseil scientifique Covid-19 « est une bonne chose ». Pour 77 % d’entre eux, il est normal de prendre toutes les précautions même lorsque les experts scientifiques n’ont que des doutes et enfin 57 % pensent que l’avis des experts n’est pas suffisamment pris en compte par les décideurs.
Parmi les situations à risque suivies par le Baromètre, celles dont le niveau est perçu comme le plus élevé restent le terrorisme (76 %), le cancer (73 %), les pandémies (71 %) - ce risque fait sans surprise son entrée à un haut niveau dans le Baromètre 2021 - et les pesticides (70 %). La pollution de l’air affiche le niveau de risque perçu comme « très élevé » le plus fort à 46 %. En milieu de classement, 41 % des Français estiment que les centrales nucléaires sont source de risque élevé et 48 % d’entre eux ont cette perception face aux déchets nucléaires. Les inondations et la canicule confirment leur hausse récente et s’installent comme des sujets de préoccupation importants pour les Français, tandis que la confiance dans les autorités pour les gérer baisse. La perception du risque associé aux perturbateurs endocriniens continue de croître (de 33 % en 2014 à 52 % en 2020). C’est l’inverse pour le sida, passé de 69 % en 1997 à un minimum historique de 29 % cette année à la suite d’une baisse régulière.
Le Baromètre refait cette année, pour la première fois depuis plus de 20 ans, le point sur l’opinion, divisée, qu’ont les Français du nucléaire. La majorité d’entre eux porte a posteriori un regard plutôt bienveillant sur le programme nucléaire civil : 53 % affirment que « la construction des centrales a été une bonne chose », 18 % sont en désaccord. Ils sont plutôt défavorables à la poursuite du nucléaire à long terme (45 % sont opposés à la construction de nouvelles centrales, 29 % favorables, 26 % ni pour ni contre). Quant à la sortie immédiate du nucléaire, les positionnements sont partagés : face à l’assertion « Il faut fermer les centrales nucléaires », 38 % répondent par l’affirmative, tandis que 32 % répondent « non » et 30 % ne tranchent pas. L’argument le plus fort contre le nucléaire est pour la première fois depuis 2009 « la production de déchets nucléaires ».
Or, en 2020, le Baromètre s’est penché de plus près sur la connaissance que les Français ont des risques liés à la gestion des déchets nucléaires. À la question « est-il aujourd’hui possible de stocker les déchets nucléaires de façon sûre », les Français interrogés ont répondu négativement à 39 % et positivement à 29 %. Ces scores sont équivalents à ceux du milieu des années 1980 et aux derniers résultats relevés en 1990 et 1992. Entre-temps, à la suite de l’accident de Tchernobyl, les réponses négatives avaient progressé pour atteindre près de 60 % en 1987. Les centres de stockage de déchets nucléaires restent perçus comme des sources de risques importants. Questionnés sur la vraisemblance de certains évènements dans ou à proximité d’un site de stockage de déchets hautement radioactifs, les Français répondent majoritairement « oui » pour les trois cas de pollution proposés : la contamination des produits agricoles est vraisemblable pour 63 % d’entre eux, la pollution de l’air pour 60 % et l’irradiation des populations pour 55 %. Le Baromètre avait montré en 1997 des résultats plus élevés aux mêmes questions. Ils étaient alors 77 % à juger vraisemblable un risque de contamination des produits agricoles, 76 % estimant vraisemblable une pollution de l’air et 69 % une irradiation des populations. Par ailleurs, en 2020, 39 % des Français pensent vraisemblable une explosion souterraine en lien avec le stockage, contre 27 % qui pensent le contraire.
Une majorité de Français (62 %) juge possible qu’un accident de la même ampleur que celui de Fukushima se produise en France. Comme l’année passée, l’exigence d’un haut niveau de sûreté nucléaire est confirmée par 86 % des Français qui déclarent que « Les exploitants des sites nucléaires doivent protéger leurs installations de tous les risques, même ceux jugés très improbables ». Mais ils font largement confiance à l’organisation de la sûreté actuellement en place, six Français sur dix affirmant que « Toutes les précautions sont prises pour assurer un très haut niveau de sûreté dans les centrales nucléaires françaises ». Ce résultat confirme la forte hausse enregistrée en 2019. Entre 2008 et 2018, en effet, seuls 42 % des Français adhéraient à cette proposition.
Enfin, la perception de la compétence et de la crédibilité des acteurs du nucléaire dans le Baromètre demeure stable. Sur les 20 acteurs proposés, douze sont jugés compétents par une forte majorité dont six recueillent plus de 75 % d’adhésion. Pour ceux-ci, la tendance des années précédentes est confirmée. Le CNRS est jugé le plus compétent (85 %) et le plus crédible (78 %) dans le domaine nucléaire, l’ASN et l’IRSN se positionnant juste derrière avec respectivement 82 % et 73 % de Français les estimant compétents et crédibles.